L’arbitrage

Fondement et caractère

La sixième partie du Code judiciaire (C. jud., art. 1676 à 1723[1]) est consacrée à l’arbitrage. Ce M.A.R.C. est mis en œuvre de l’accord des parties que ce dernier intervienne préalablement à la naissance du différend (clause contractuelle dite d’arbitrage et application du principe de la convention-loi[2]) ou postérieurement. A notre connaissance, aucune disposition légale n’impose un préalable d’arbitrage obligatoire dans notre pays[3].

Intervention obligatoire d’un ou plusieurs tiers

L’arbitrage implique de recourir aux services d’un ou plusieurs tiers : le ou les arbitres. L’article 298, alinéa premier, du Code judiciaire prévoit que « les membres des cours, tribunaux, parquets et greffes ne peuvent faire d’arbitrage rémunéré (…) ». Il s’en déduit que ces magistrats et greffiers peuvent intervenir, le cas échéant, en qualité d’arbitres non-rémunérés. Nul doute que certains d’entre vous penserons, à tort, en lisant ces lignes que cette hypothèse relève du cas d’école. Dans le cadre d’un conflit opposant des maîtres de l’ouvrage à plusieurs architectes, nous avons obtenu, le 24 juin 2014, que Madame le Président du tribunal de commerce de Liège, division Namur, agissant en application d’une clause contractuelle fondant sa compétence[4], fasse droit à une requête visant à ce qu’un magistrat soit désigné en qualité d’arbitre non rémunéré. En l’espèce, son choix s’est porté sur un Juge honoraire qui a accepté la mission sans la moindre difficulté, et ce d’autant plus que le droit belge n’exige aucune formation minimale pour exercer en qualité d’arbitre. Il n’en demeure pas moins que le ou les arbitres doivent respecter les exigences générales et minimales d’indépendance et d’impartialité[5].

Absence de confidentialité légalement organisée

La sixième partie du Code judiciaire ne consacre nullement la confidentialité de l’arbitrage. Celle-ci peut cependant être contractuellement organisée[6], tant en ce qui concerne le processus lui-même que la sentence, et ce sans préjudice de sa reconnaissance et de son exécution.

Pouvoir décisionnel de l’arbitre sur l’issue du différend et exécution forcée de la sentence

L’arbitre a, en tous les cas, un pouvoir décisionnel sur l’issue du litige[7], cette décision prenant la forme d’une sentence arbitrale. Le rôle du tribunal arbitral est donc de trancher le litige conformément aux règles de droit choisies par les parties comme étant applicables en l’espèce[8]. La signature de la sentence[9] ou une décision de clôture rendue par le tribunal arbitral conformément au prescrit de l’article 1714, §2, du Code judiciaire[10] met un terme à la procédure arbitrale. La mission du tribunal arbitral prend fin avec la clôture de la procédure arbitrale et la communication de la sentence, sous réserve d’une éventuelle rectification d’erreur(s), d’une interprétation ou d’une sentence complémentaire[11]. L’appel contre une sentence arbitrale n’est possible que si les parties ont contractuellement prévu cette possibilité[12]. En pareil cas, le délai de recours est d’un mois à partir de la communication[13] de la sentence[14]. Pour autant que les conditions limitativement énumérées[15] par l’article 1717, §3, du Code judiciaire soient réunies, la sentence arbitrale peut faire l’objet d’un recours en annulation à introduire, par voie de citation, par-devant le tribunal de première instance[16] [17]. Ce dernier statue en premier et dernier ressort[18].

Moyennant le respect préalable de certaines formalités procédurales (qui relèvent de la compétence du tribunal de première instance), la sentence arbitrale pourra faire l’objet d’une exécution forcée[19].

Coûts et risques financiers

L’arbitrage présente un risque financier non négligeable pour les parties dans la mesure où l’arbitre doit décider à qui incombe les frais d’arbitrage, sachant que ces derniers comprennent, sauf convention contraire, « les honoraires et frais des arbitres et les honoraires et frais des conseils et représentants des parties, les coûts des services rendus par l’institution chargée de l’administration de l’arbitrage et tous autres frais découlant de la procédure arbitrale »[20]. Dans certains cas, les coûts de l’arbitrage peuvent être totalement ou partiellement pris en charge par un tiers payant.

Définition succincte

A défaut de définition légale, l’arbitrage être défini succinctement comme étant un mode alternatif de règlement des conflits légalement organisé qui implique l’intervention d’un ou plusieurs tiers appelés arbitres dont le rôle consiste à juger le différend qui leur est soumis et à se prononcer par le biais d’une ou plusieurs décisions (qualifiées de sentences) susceptibles de reconnaissance et d’exécution forcée moyennant le respect de certaines conditions légales particulièrement strictes[21].


[1] Autrement dit, c’est à tort que l’article 1723/1 du Code judiciaire, qui définit la médiation, est présenté par le SPF Justice sur le site consacré à la législation consolidée comme faisant partie intégrante de la sixième partie dudit Code. Voy. http://www.ejustice.just.fgov.be/loi/loi.htm

[2] C. civ., art. 1134.

[3] Cette hypothèse se distingue bien évidemment de celle ayant pour objet l’application d’une clause contractuelle dite d’arbitrage (application du principe de la convention « loi » consacré par l’article 1134 du Code civil).

[4] Cette clause ne visait donc nullement la problématique de la désignation d’un arbitre non rémunéré, ni même l’article 298 du Code judiciaire.

[5] Voy. not. C. jud., art. 1685, §2 ; ainsi que C. jud., art. 1686.

[6] C. civ., art. 1134.

[7] C. jud., art. 1710 à 1715.

[8] C. jud., art. 1710, §1er, al. 1. Relevons qu’ « à défaut d’une telle désignation par les parties, le tribunal arbitral applique les règles de droit qu’il juge les plus appropriées » (C. jud., art. 1710, §2).

[9] Pour autant qu’elle épuise intégralement la juridiction du ou des arbitres. Autrement dit, un même processus d’arbitrage peut donner lieu à plusieurs sentences arbitrales réglant chacune des points litigieux différents.

[10] Aux termes duquel « Le tribunal arbitral ordonne la clôture de la procédure arbitrale lorsque : a) le demandeur se désiste de sa demande, à moins que le défendeur y fasse objection et que le tribunal arbitral reconnaisse qu’il a un intérêt légitime à ce que le différend soit définitivement réglé ; b) les parties conviennent de clore la procédure ».

[11] C. jud., art. 1715.

[12] C. jud., art. 1716.

[13] Faite conformément à l’article 1678 du Code judiciaire.

[14] C. jud., art. 1716

[15] C. jud., art. 1717, §2 in fine.

[16] C. jud., art. 1717.

[17] Soulignons que l’article 1718 du Code judiciaire prévoit que « les parties peuvent, par une déclaration expresse dans la convention d’arbitrage ou par une convention ultérieure, exclure tout recours en annulation d’une sentence arbitrale lorsqu’aucune d’elles n’est soit une personne physique ayant la nationalité belge ou son domicile ou sa résidence habituelle en Belgique, soit une personne morale ayant en Belgique, son siège statutaire, son principal établissement ou une succursale ».

[18] C. jud., art. 1717, §2.

[19] Sur la reconnaissance et l’exécution de la sentence, voy. C. jud., art. 1719 et s. Relevons que l’article 1719, §2, du Code judiciaire prévoit que « le tribunal de première instance ne peut revêtir la sentence de la formule exécutoire que si la sentence ne peut plus être attaquée devant les arbitres ou si les arbitres en ont ordonné l’exécution provisoire nonobstant appel ».

[20] C. jud., art. 1713, §6.

[21] P.-P. RENSON, « Initiation aux principaux modes alternatifs de règlement des conflits : découvrir ou approfondir sans confondre », in X, Les alternatives au(x) procès classique(s), Limal, Anthemis, 2021, pp. 7 à 35, spéc. n° 19.