Le droit collaboratif

Fondement et caractère

La huitième partie du Code judiciaire[1] est consacrée au droit collaboratif. Ce mode de règlement amiable des différend est légalement reconnu depuis le 1er janvier 2019[2]. Il est mis en œuvre de l’accord des parties que ce dernier intervienne préalablement à la naissance du différend (clause contractuelle et application du principe de la convention-loi[3]) ou postérieurement. L’article 1740 du Code judiciaire prévoit, quant à lui, la possibilité pour chaque juge, à l’exception de la Cour de cassation et du tribunal d’arrondissement, d’ordonner le recours à un processus de droit collaboratif tant que la cause n’a pas été prise en délibéré, mais exclusivement à condition que cette décision intervienne à la demande conjointe des parties et après avoir entendu celles-ci quant à la mesure envisagée[4]. Aucune disposition légale ne prévoit, par ailleurs, le recours obligatoire au droit collaboratif.

Intervention d’avocats collaboratifs agréés

Le droit collaboratif implique que chaque partie soit assistée par un ou plusieurs avocats collaboratifs[5]. Ce mode de règlement alternatif des conflits relève d’un monopole des avocats. Il requiert, d’une part, que ceux-ci soient spécifiquement formés et agréés[6] et, d’autre part, qu’ils mettent un terme à leur intervention et « ne peuvent plus intervenir dans une procédure contentieuse opposant les mêmes parties dans le contexte[7] du litige ayant fait l’objet du droit collaboratif »[8]. L’article 1743, §3, du Code judiciaire précise qu’ « il en va de même de tout avocat faisant partie de leur cabinet, en ce compris les collaborateurs et stagiaires internes ou externes ». La Cour constitutionnelle a estimé, dans son arrêt du 24 septembre 2020, que le monopole des avocats en droit collaboratif est légalement justifié (à l’instar du monopole de plaidoiries) et que l’obligation de retrait ne porte pas atteinte au principe du libre choix de l’avocat[9]. Partant, elle a rejeté tous les recours en annulation dont elle était saisie à l’encontre de la huitième partie du Code judiciaire.

Confidentialité légalement organisée

La confidentialité du processus de droit collaboratif est confirmée tant par sa définition légale[10] que par l’article 1745, §3, du Code judiciaire qui précise que cette confidentialité légalement organisée est analogue à celle prévue en matière de médiation[11]. Avoir légiféré par analogie est critiquable, spécialement eu égard aux importantes différences entre le droit collaboratif et la médiation. La confidentialité du processus de droit collaboratif s’étend notamment aux avis et travaux des experts qui interviennent dans le cadre du processus[12]. Il ne nous semble toutefois pas judicieux de considérer que cette confidentialité serait d’ordre public en ce qu’elle concerne les avis et travaux des experts, sous peine d’exclure tout accord contraire des parties à cet égard et de prendre un risque non négligeable d’assumer des coûts d’expertise importants sans possibilité de faire ultérieurement valoir le fruit des travaux de l’expert dans l’hypothèse où aucun accord de droit collaboratif ne règlerait tous les points en litige. Soulignons que la thèse selon laquelle la confidentialité de tout ou partie du processus de droit collaboratif (et non exclusivement les travaux et l’avis d’un ou plusieurs experts) est susceptible d’être levée de l’accord de toutes les parties est, par ailleurs, conforme aux termes mêmes de l’article 1728 du Code judiciaire auquel renvoie expressément l’article 1745, §3.

Absence de pouvoir décisionnel des avocats collaboratifs sur l’issue du différend et exécution forcée de l’accord de droit collaboratif

Les avocats collaboratifs agréés agissent « dans le cadre d’un mandat exclusif et restreint d’assistance et de conseil en vue d’aboutir à un accord amiable »[13]. Il s’en déduit qu’ils n’ont aucun pouvoir décisionnel sur l’issue du différend.

L’accord de droit collaboratif est conclu, en principe, sous seing privé. Il doit comporter des mentions minimales obligatoires, à savoir :

1° le nom et le domicile des parties, ainsi que le nom et l’adresse du cabinet de leurs avocats collaboratifs ;

2° les engagements précis de chacune des parties négociés dans le processus de droit collaboratif et qui règlent tout ou partie du différend ;

3° la date;

4° la signature non seulement des parties, mais aussi des avocats collaboratifs.

En d’autres termes, l’accord de droit collaboratif n’est autre qu’une forme de convention transactionnelle qui fait loi entre les parties[14]. Lorsqu’il est formalisé sous seing privé, il n’est pas susceptible d’être revêtu en soi de la formule exécutoire. Rien n’exclut cependant que les parties s’accordent sur la passation d’un acte authentique (incluant l’entente) revêtu de la formule exécutoire. En tous les cas, l’accord de droit collaboratif ne peut faire l’objet d’une demande d’homologation simplifiée, contrairement à ce qui est admis en matière de médiation. Ce qui n’exclut pas que les parties postulent un jugement d’accord sur pied de l’article 1043 du Code judiciaire. Dans l’hypothèse où une procédure judiciaire est déjà en cours, une simple demande écrite en ce sens pourrait suffire. Par contre, si aucune procédure judiciaire n’est pendante, la doctrine récente admet que les parties à un accord transactionnel conserveraient un intérêt à agir  judiciairement pour postuler l’entérinement de cet accord sur pied de l’article 1043 du Code judiciaire[15].

Coûts 

Sauf accord contraire, les coûts liés à la mise en œuvre d’une négociation collaborative, ainsi que les frais et honoraires des éventuels experts, sont supportés par moitié par les parties[16]. Par contre, chaque partie supporte seule les frais et honoraires de son avocat collaboratif, et ce sauf convention contraire[17]. Rien n’exclut que les coûts du processus de droit collaboratif soient totalement ou partiellement pris en charge par un tiers payant tel, par exemple, qu’une assurance protection juridique.

Définition légale

Le processus de droit collaboratif est légalement défini comme étant « un processus volontaire et confidentiel de règlement des conflits par la négociation impliquant des parties en conflit et leurs avocats respectifs, lesquels agissent dans le cadre d’un mandat exclusif et restreint d’assistance et de conseil en vue d’aboutir à un accord amiable »[18].

[1] C. jud., art. 1738 à 1747.

[2] Date d’entrée en vigueur d’une partie de la loi du 18 juin 2018.

[3] C. civ., art. 1134.

[4] Il ne s’agit donc pas là d’un recours obligatoire au droit collaboratif.

[5] C. jud., art. 17

[6] C. jud., art. 1739.

[7] C’est nous qui soulignons.

[8] C. jud., art. 1743, §3.

[9] C. const., arrêt n° 166/2020 du 24 septembre 2020 (https://www.const-court.be/public/f/2020/2020-116f.pdf).

[10] Voy. infra à propos de l’article 1738 du Code judiciaire.

[11] Voy. infra à propos de l’article 1728 du Code judiciaire.

[12] C. jud., art. 1744/

[13]  C. jud., art. 1738

[14] C. civ., art. 1134.

[15] Voy. Not. G. Closset-Marchal, « Examen de jurisprudence. Droit judiciaire privé (2002-2012)  », R.C.J.B., 2014, spéc. p. 155, n° 100.

[16] C. jud., art. 1747.

[17] C. jud., art. 1747.

[18] C. jud., art. 1738.